sabato 3 maggio 2025

Le cardinal Fridolin Ambongo : entre voix prophétique et dérive politique

L'action en justice initiée contre le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, à la suite de son homélie prononcée lors de la messe de Pâques, soulève une question fondamentale : un cardinal peut-il s'ériger en acteur politique dans un pays ? Si les propos du cardinal visaient à interpeller la conscience nationale, ils n'en demeurent pas moins lourds de conséquences sur le plan institutionnel. Ils posent avec acuité la question de la frontière entre engagement prophétique et interventionnisme politique.

Lors de cette homélie, Ambongo a dénoncé la collusion présumée de certains proches du pouvoir congolais avec le mouvement rebelle M23. En s'interrogeant sur les causes de cette trahison présumée — « pourquoi ces gens ont-ils agi de la sorte ? » —, il a esquissé une réponse qui accuse indirectement les gouvernants de marginaliser une partie de la population, contribuant ainsi à la désagrégation de l'unité nationale. 

Certes, il est du rôle de l'Église de défendre la paix, la justice et l'inclusion. Mais la manière dont cette dénonciation a été formulée a donné à son discours une forte connotation politique. Or, un cardinal n'est pas un tribun. Il n'est pas un opposant institutionnel.

L'Église catholique, depuis Vatican II, encourage une implication sociale des clercs, mais toujours dans le respect de leur mission spirituelle et pastorale. Le magistère est clair : les prêtres et les évêques ne doivent pas exercer de pouvoir politique ou partisan. Ils peuvent éclairer les consciences, dénoncer le mal, mais sans se substituer aux acteurs politiques légitimes. Ce principe de non-ingérence est encore plus crucial dans des contextes de forte instabilité, comme c'est le cas en République démocratique du Congo.

Le pape François, que le cardinal Ambongo affirme suivre comme modèle, a toujours été prudent sur ce terrain. Son approche pastorale s'est toujours fondée sur la construction de ponts, sur la médiation, et non sur la stigmatisation.

En ce sens, on peut légitimement s'interroger : le cardinal Ambongo construit-il vraiment des ponts ? Ou alimente-t-il, malgré lui, les clivages politiques et ethniques qui fragilisent encore davantage la cohésion nationale ? Car au lieu d'inviter à une conversion collective, ses paroles ont été perçues comme une attaque ciblée contre les autorités en place. 

Un langage plus inclusif, un ton plus pastoral, auraient sans doute été mieux reçus. La fonction de cardinal exige une neutralité rigoureuse : non pas une indifférence face au mal, mais une posture de sagesse, de recul et de rassemblement.

L'histoire récente de l'Église montre que les figures ecclésiales qui ont su influencer positivement les dynamiques politiques de leurs pays l'ont fait sans entrer en rivalité directe avec le pouvoir.

 En Italie, les cardinaux et évêques, même lorsqu'ils critiquent certaines lois sociales ou économiques, veillent à ne pas franchir la ligne de l'intervention partisane. Ils s'adressent à la conscience collective, non aux gouvernements. Leur parole est perçue comme une lumière morale, et non comme une injonction politique.

Dans le cas d'Ambongo, le choix de la messe de Pâques pour exprimer une telle critique n'est pas anodin. La liturgie pascale est un moment d'unité et de réconciliation. S'en servir pour faire passer un message aussi chargé de tension politicienne est une erreur de discernement. Le lieu et le moment renforcent l'idée que le cardinal a voulu politiser un acte pastoral, brouillant ainsi les frontières entre les deux sphères.

Il ne s'agit pas ici de remettre en cause l'engagement du cardinal pour la paix, ni sa volonté de dénoncer les injustices. Mais son rôle exige un art délicat de la parole, une diplomatie évangélique, une capacité à corriger sans humilier. Le chrétien engagé n'est pas nécessairement un accusateur public. L'Évangile invite à la correction fraternelle, à la charité dans la vérité. Et cette charité manque parfois dans le ton employé par le cardinal Ambongo.

Par ailleurs, l'action en justice engagée contre lui — bien que discutable sur le fond — révèle une perception claire chez les autorités : le cardinal n'est plus seulement une autorité morale, il est devenu un acteur influent du débat politique. Et cela constitue un glissement dangereux. Car une Église trop engagée dans les conflits politiques perd sa capacité prophétique. Elle devient partie prenante d'un jeu de pouvoir, et n'est plus perçue comme un espace de refuge, de neutralité et de réconciliation.

Il serait souhaitable que le cardinal Ambongo réexamine sa manière d'intervenir dans l'espace public. Son rôle est essentiel dans un pays aussi democratique comme la  RDC. 

Mais cette importance ne lui donne pas le droit de court-circuiter les institutions ou de se poser en juge des intentions politiques. Il doit rester un pasteur, non un opposant. Un bâtisseur d'unité, non un catalyseur de divisions.

En conclusion, la critique du rôle politique du cardinal Ambongo ne vise pas à réduire au silence l'Église. Elle appelle à un recentrage. Car la voix de l'Église est d'autant plus forte qu'elle reste fidèle à son identité propre : celle d'un témoin du Christ, d'un artisan de paix, d'un défenseur de la dignité humaine, et non d'un acteur dans l'arène partisane. Ambongo est une figure écoutée. Il lui appartient maintenant de choisir quel type d'écoute il veut mériter : celle du prophète qui rassemble ou celle du prélat devenu polémiste

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